PETITS CONSEILS
POUR AJOUTER
UNE DIMENSION
THEATRALE
A VOTRE PERSONNAGE
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1.
Avant la séance de jeu
1.1. Préparation de la
description du personnage.
1.2 Réflexions sur la
personnalité du personnage
1.3 Renseignements sur l’époque
et la culture
2.
Pendant la séance de jeu
3.
Après la séance de jeu
A
vec
l'apparition des jeux de rôles de la société
White
Wolf
(le plus connu étant Vampire), le jeu de rôle est
devenu un peu moins jeu de société et un peu plus
interprétation
de rôle. C'est une des explications du grand succès des jeux
de cette société. Les règles de base proposent aux
joueurs de jouer théâtralement (i.e. en grandeur nature) certaines
parties du scénario afin de mieux incarner les personnages.
L'amplification
de l'aspect théâtral dans le jeu de rôle permet de
découvrir
un univers que l'on croyait pourtant bien connaître. C'est un peu
comme passer d'une TV noir et blanc à un univers tridimensionnel
virtuel. Tout devient tellement plus vrai. Bien sûr ce réalisme
ne se fait pas tout seul. Il demande aux joueurs et au maître du
jeu un léger effort. Cet article guide le joueur ou maître
du jeu pour qu'il interprète mieux son personnage.
1.
Avant la séance de jeu
1.1. Préparation de la
description du personnage.
L
a
description du personnage est extrêmement importante. C'est le premier
contact du personnage avec le monde extérieur. C'est sur cette
première
impression que l'on va juger votre personnage. Cette description est un
préliminaire du
roleplay
. De nombreux articles de revues
ont déjà paru, expliquant en détails les différentes
formes de visage, les couleurs des yeux et autres détails. Soyons
honnête, lorsque vous rencontrez une personne, examinez-vous en
détail
sa physionomie ? Pouvez-vous après une rencontre de 5 min, décrire
précisément son visage ? A part quelques spécialistes,
je ne crois pas que la majorité des gens en soient capables. Ce
que l'on retient, c'est une vague impression, que l'on peut souvent
résumer
en une phrase. C'est cette phrase que vous devez utilisez pour décrire
votre personnage.
Pour construire cette
phrase je vous propose une technique que j'utilise personnellement. C'est
assez simple, imaginez que vous-même rencontriez votre propre personnage.
Bien sûr, les attitudes du personnage dépendront aussi de
l'environnement (une église, une taverne…). Par souci de
simplicité,
choisissez l'environnement dans lequel le personnage est le plus à
l'aise. Pensez tout d'abord à la façon dont les deux ou trois
principales qualités du personnage s'expriment dans son comportement.
Par exemple, son énergie est-elle remarquable par sa voix de stentor,
par ses gestes résolus ou bien par une résistance accrue
?. Utilisez des adjectifs (ou une tournure) afin de préciser et
de renforcer ce comportement. Dans l'exemple, j'ai ainsi utilisé
les adjectifs " résolu " et " accru " et la tournure " voix de stentor
". Une expression doit suffire à décrire une qualité.
Maintenant vous devez posséder 2 ou 3 expressions décrivant
les 2 ou 3 principales qualités de votre personnage. Vous pouvez
décrire ses défauts. N'essayer pas de les cacher, toute personne
possède ses défauts (même les super-héros),
cela ne rend que plus humain. La gentillesse de Superman par exemple le
pousse à la limite de la naïveté. Si vous jouez à
un jeu de manipulateurs (ex : Vampire), ou tout défaut peut être
utilisé contre vous, vous devez quand même réfléchir
sur les défauts du personnage. Pourquoi ? Car ne pas les décrire
montre que vous ne les connaissez pas, ou en tout cas que vous les sous-estimez.
Cela est le plus grand défaut. Rappelez-vous du " connais-toi
toi-même
". Connaître et exprimer ses défauts est la meilleure arme
pour s'en protéger. Rien ne vous empêche (si vous vous en
sentez capable) de simuler un défaut (
cf.
les leçons
de son succès qu'explique Al Pacino à Keanu Reeves dans le
film
L'avocat du diable
). Pour exprimer vos défauts, utilisez
la même astuce que pour vos qualités.
Finalement avec ces
4 à 6 expressions, vous devez construire une phrase en insistant
plus sur certains points ou en ajoutant un exemple illustratif. Vous
n'êtes
pas bien sûr obligé d'utiliser toutes les expressions, elles
servent surtout comme une esquisse sur laquelle vous baserez votre description.
Voici 4 exemples de
descriptions tirés de livres : deux guerriers (très
différents),
un prêtre et un roi. Bien sûr ces auteurs ne suivent pas les
règles simplistes que j'ai décrites plus haut. Ces exemples
sont des descriptions de personnage réalisées par des
professionnels.
Mais au bout de quelques essais, il vous sera possible de vous en approcher.
-
Les guerriers :
" C'[est] un homme
de haute stature, bâti comme un sanglier dont il a[...] la rage
destructrice.
"
Serge Brussolo
,
" L'armure de vengeance ", Livre de poche p 44
L'utilisation de la
comparaison avec le sanglier véhicule une grande puissance. Elle
sublime l'intensité de l'expression " rage destructrice ". Aucun
défaut n'est cité, mais le paroxysme atteint dans la description
de la rage du personnage, laisse entrevoir une faible capacité à
la décision et à la réflexion.
" C'est un jeune homme
longiligne, à la frimousse de page, mais dont les joues
s'avér[...]ent
grêlées de copeaux de fer bleuâtres qui lui [font] comme
des tâches de rousseur d'acier. Il parl[e] d'une voix de fille ;
ses mains, cependant, [sont] celles d'un écuyer : musclées,
abîmées, noircies par l'entretien des armes. "
Serge Brussolo
,
" L'armure de vengeance ", Livre de poche p 43
L'auteur a choisi
de mettre en évidence les contrastes entre défauts et
qualités
du personnage pour mieux en faire ressortir son aspect entre deux âges.
Des attitudes enfantines, il lui reste la frimousse de page, les tâches
de rousseur et la voix de fille. Les attitudes du chevalier qu'il a
développé
sont sa taille et ses mains (que l'auteur décrit avec insistance).
Entre les deux restent les stigmates de l'adolescence : les boutons
d'acné.
-
Un prêtre
:
" A son aspect on
juge qu'il [a] une cinquantaine d'années ; à ses propos,
[on] estime qu'il [a] vécu des expériences étranges,
mais il [est] avare de confidences. "
Marc Paillet
" Le remords de Dieu ", Ed Plon, Pocket p 22
Cette description
met en avant par le contraste savoir / silence le coté énigmatique
du personnage. Ici, la description physique du prêtre est inexistante.
Seul son esprit est décrit, un peu comme si la foi du prêtre
effaçait ses caractéristiques physiques.
-
Un roi (Pépin
le Bref) :
" Le roi des Francs
respir[e] la froide audace et la ruse. Sa physionomie qu'il [veut]
débonnaire
[est] trahie par l'expression de ses yeux qui [jettent], à la
dérobée,
un regard aigu sur ceux auxquels il s'adress[e]. Le propos [est] souvent
plaisant, le ton parfois glaçant. "
Marc Paillet
" Le remords de Dieu ", Ed Plon, Pocket p 430
Une fois encore, un
contraste est utilisé. Ici, ce contraste est une volonté
du personnage lui-même qui " veut " que son apparence soit
débonnaire
(= conciliant). Sa ruse n'en apparaît que plus clairement. Cette
description souligne le caractère affirmé d'un roi qui par
définition est solitaire et ne doit juger que par lui-même.
1.2 Réflexions
sur la personnalité du personnage
A
la
fin de la création de personnage, vous possédez une somme
de caractéristiques décrivant votre personnage. Mais que
désire t-il dans la vie ? Quels sont ses pires cauchemars ? Quelle
est son histoire ? Comment interagit-il avec les autres ? Quels sont ses
goûts ? Vous devez penser à tout ça avant de vous mettre
à jouer. Eh oui, il n'y a pas que le MJ qui doit préparer
une partie. Chaque joueur doit de son coté essayer de se rapprocher
au maximum de son personnage. De ressentir ses faiblesses et ses
qualités.
Pour cela, pas de miracle, il faut passer beaucoup de temps à
réfléchir
sur ce personnage. Pas trop quand même pour ne pas se planter aux
examens (ou dormir au boulot) ni s'embrouiller avec sa copine. Vous devez
rechercher à comprendre ce qui motive votre personnage, et vous
devez vous investir dans cette recherche " psychologique " de votre personnage.
On peut faire un parallèle
entre le théâtre et le jeu de rôles. Imaginons qu'un
joueur veuille jouer Roméo. Son personnage est éperdument
amoureux, prêt à tout pour cet amour. D'un autre coté,
il est fidèle à sa famille et à ses amis. Il est important
avant le jeu de savoir quel sera le choix de Roméo entre son amour
et sa fidélité à sa famille. Roméo étant
un personnage passionné, le joueur doit appuyer son analyse sur
cet aspect du personnage.
La source d'inspiration
la plus aisée pour le joueur est sa propre expérience. S'il
a déjà ressenti un amour très fort pour quelqu'un,
le joueur dispose d'une base pour son interprétation. Le joueur
doit analyser son expérience et en retirer ce qu'il pense être
universel ou le plus marquant dans ce qu'il a vécu. Mais le
caractère
de tous vos personnages ne peut être limité à vos propres
expériences, si riches soient elles, car sinon tous vos personnages
risquent de trop se ressembler. D'autres sources d'inspirations pour
créer
la personnalité de votre personnage sont les livres, films,
bédés...
Et comme le dessinateur qui s'inspire des physionomies des gens qu'il rencontre,
vous pouvez vous inspirez du caractère de gens que vous connaissez.
Le cadre historique de votre monde peut aussi modifier l'interprétation
: Roméo ne sera pas interprété de la même
manière
dans un monde exaltant l'amour courtois que dans un monde ambiance western
ou même un monde contemporain.. Une fois que vous avez défini
le caractère du personnage, il s'agit maintenant de vous entraîner
à le jouer.
Je n'ai pas d'astuces
particulières pour cet entraînement au jeu du personnage.
Mais personnellement, je joue mes personnages assez à l'instinct
un peu comme pour un tableau de peinture. C'est-à-dire que j'essaye
de créer une gamme de couleurs qui sont les caractéristiques
psychologiques principales du personnage, et à partir de cette gamme
je m'entraîne à improviser des tableaux qui correspondent
à diverses situations possibles.
Le jeu de rôles
est interactif, ne vous laissez donc pas enfermer dans votre
interprétation.
Si vous jouer un aristocrate hautain et que vous avez préparé
minutieusement votre interprétation à la cours du Roi, il
peut vous arriver d'être dans des situations imprévues
(enfermé
dans une prison par exemple). Vous pouvez continuer à jouer votre
personnage avec son caractère habituel (hautain et méprisant),
ou bien au contraire en profiter pour faire resurgir une faiblesse qui
dévoilerait une autre facette de votre personnage (peureux et suppliant
par exemple).
Votre but doit être
de pouvoir interpréter quasiment n'importe quelle scène en
improvisation théâtrale. Car c'est ce que vous allez faire
en partie
1.3 Renseignements
sur l'époque et la culture
C
omprendre
la culture dans lequel votre personnage va évoluer est essentiel
pour jouer le rôle de votre personnage de façon authentique
et non comme un citadin du 20ème siècle.
Avant d'entamer une
campagne, le MJ décrira probablement le cadre de son univers. Mais
il est bon d'avoir une certaine connaissance du monde avant le jeu, ne
serait-ce que pour faciliter la description initiale de l'univers de campagne.
Demandez à votre MJ de vous fournir quelques références
bibliographiques et cinématographiques sur son univers de jeu. Bien
sûr il n'est pas nécessaire de faire une étude exhaustive
du sujet, ni de lire toutes les extensions avant le MJ. Il vous suffit
de lire un roman et de voir ou revoir un film, dans la semaine
précédent
la partie. Cela permet de se préparer en douceur à l'ambiance
du jeu, au niveau technologique et culturel du monde dans lequel le personnage
va évoluer, et d'apprendre quelques expressions qui feront " couleur
locale ".
Réfléchissez
au statut de votre personnage dans sa culture. Bien que débutant,
il possède probablement certains droits et devoirs propres à
sa classe / famille… Comment se situe-t-il par rapport à la
société
dans laquelle il évolue, est-il conservateur ou au contraire
réformateur
? Est-il bien introduit dans la société, ou la rejette t
il ? Toutes ces questions ne peuvent être résolues qu'une
fois que vous connaîtrez suffisamment l'univers de jeu.
Un exemple d'un personnage
dont le caractère a été choisi pour qu'il ait une
forte interaction avec son univers est le frère Guillaume de Baskerville
dans " le Nom de la Rose ". Scientifique avant l'heure, il voue un
véritable
culte à la raison, ce qui est en totale opposition avec le clergé
qui considère que les voies de Dieu sont impénétrables.
Raisonner c'est pécher par orgueil, c'est se croire capable de mesurer
son intelligence à la création divine. Le choix du
caractère
du personnage de frère Guillaume lui donne son coté si attachant
pour le lecteur qui appartient lui au siècle de la raison.
2
Pendant la séance de jeu
C
'est
le grand jour, la partie va commencer dans quelques minutes. Le maître
range ses notes. Plutôt que de lancer des dés ou de discuter
d'un film (même sur le sujet), concentrez-vous un peu sur votre
personnage.
Rappelez-vous du travail d'interprétation que vous avez
préparé.
Tout joueur se permettant
une remarque désobligeante sur votre attitude doit être remis
à sa place par une phrase
roleplay
comme " Messire, vous
feriez bien de vous inspirer en tous points de ma conduite afin de profiter
pleinement de l'intrigue qui va nous être dévoilée
sous peu " ou dans une ambiance cyberpunk " Mec, depuis qu'un techman m'a
mal interfacé, j'suis obligé de me concentrer pour me
défouler
contre les preneurs de tête. T'en fais pas partie, j'espère
". Votre attitude théâtrale doit être une force qui
pousse les autres joueurs à en faire autant, pas un défouloir
pour gros bill frustrés.
De nombreuses expressions
physiques permettent de faire vivre son personnage même lorsque l'on
est assis à une table. Le plus important est votre attitude corporelle
générale qui joue directement sur la perception qu'auront
les autres de votre personnage. Si vous êtes vautré sur la
table et jouez avec les cacahuètes, les autres auront du mal à
voir en vous un aristocrate hautain. Au contraire, il faut vous tenir droit,
et regarder fixement les joueurs à qui vous vous adressez. Bien
sûr vous êtes là pour jouer et pour vous détendre.
La séance de jeu ne doit pas se transformer en torture parce que
vous désirez bien interpréter votre personnage. Mais si vous
êtes incapable de tenir plus de 5 min sans sortir une plaisanterie
bien grasse, peut-être que ce rôle de prêtre austère
ne vous convient pas si bien que ça ... Pour personnaliser votre
attitude générale, vous pouvez ajouter certains détails
corporels, comme des mimiques ou une gestuelle. Vous pouvez utiliser ainsi
des ustensiles imaginaires (un chapeau, une canne, de longs cheveux...).
Lorsque votre personnage
prend la parole, vous pouvez travailler votre voix (personnellement je
trouve cela trop fatigant pour toute une séance, et je ne m'y essaye
que lorsque, en tant que maître, j'interprète un personnage
hors du commun comme une sorcière ou un géant). La plupart
des jeu de rôles se situant dans des ambiances historiques
différentes,
il est important de mettre en évidence ce décalage par votre
langage. Pas la peine de se mettre au vieux français bien sûr.
Il suffit de quelques expressions typiques et de certains mots communs.
Les BD historiques permettent de se renseigner facilement sur ces expressions.
On peut remercier un autre personnage par un " Messire, vous êtes
fort galant ". Ou remplacer un juron actuel par un " Bon sang de bonsoir
" ou " Maudits, soyez-vous tous ! ".
Enfin pour ajouter
une dernière touche de réalisme, vous pouvez vous déguiser.
Pas la peine de débourser une petite fortune pour être en
habits de l'époque. Un détail vestimentaire suffit souvent
à un bon acteur pour que notre imagination fasse le reste.
3
Après la séance de jeu
E
changez
les points de vues entre joueurs et MJ sur vos interprétations.
Notez les conseils que l'on vous donne, et les attitudes intéressantes
d'autres joueurs, vous pourrez les utiliser pour d'autres personnages.
Ne critiquez pas trop les joueurs les plus timides, encouragez-les à
progresser.
Réfléchissez
aux points positifs et négatifs de votre dernière
interprétation
afin de l'améliorer.
E
n
conclusion, s'il fallait résumer cet article en une seule phrase
je dirais : il faut oublier l'idée reçue selon laquelle le
MJ est le seul devant préparer le scénario, les joueurs doivent
être conscients qu'ils sont des acteurs à part entière
et non des spectateurs. Bien sûr préparer un personnage demande
du temps, temps qu'il est difficile d'obtenir lorsqu'on mène une
vie active. Mais, avec un peu d'expérience, il suffit d'une soirée
pour créer la personnalité de son personnage, et l'on peut
approfondir cette personnalité en mettant à profit les nombreux
temps morts d'une journée. Et puis regarder un film ou lire un roman
ne demande pas beaucoup d'efforts. Si chaque joueur suit cette
préparation,
l'intérêt des parties sera multiplié.
Dans cette optique
de travail personnel, le jeu de rôle peut quitter son état
larvaire (dans le sens biologique et non péjoratif du terme) de
jeu de société pour se transformer en un art au carrefour
du théâtre interactif et du conte oral (dont les anciens usaient
tant). Le jeu de rôle dispose de la matière pour devenir un
art de dialogue véritablement interactif par contraste avec le
multimédia
dont l'interactivité se résume le plus souvent à quelques
clics. Malgré l'incessante amélioration de l'informatique,
l'interactivité réelle ne peut être atteinte qu'entre
humains. L'intelligence et l'émotion ne sont pas des données
qui peuvent être codées en informations binaires.
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